J’savais bien qu’un coup de gueule arriverait un de ces quatre… « Oh, bah va pas t’rendre malade pour ça…« Combien de fois on m’a dit ça, et combien de fois ça n’a eu d’autre effet que d’me rendre encore plus dingue.
Je l’ai déjà évoqué dans la rubrique « Je soutiens… », concernant certaines causes et certains sujets qui me tiennent à cœur, y’a un côté viscéral, j’peux sortir de mes gonds, ça m’rend dingue et je fulmine.
En général dans ces moments, j’ai droit à un regard compatissant, sous-entendant que j’suis trop à fleur de peau, trop émotive, que je prends les choses trop à coeur. « Oh, bah va pas t’rendre malade pour ça…« .
J’vois les choses différemment. Je nie pas qu’en effet, j’suis ptêt trop sensible, un brin écorchée vive, mais y’a juste des sujets qui me rendent folle, furieuse, flippée, dans l’incompréhension. La Terre qui crève, les océans qu’on pourrit, les droits de l’homme qu’on bafoue dans l’indifférence la plus complète… « Oh, bah va pas t’rendre malade pour ça…« .
So what?! So fucking what?! On se résigne? On se dit « c’est comme ça » et on fait rien? Et alors si personne s’insurge, si personne fait rien, personne essaye de changer les choses, on accepte juste la situation telle qu’elle est?
Le week-end dernier, c’était les élections européennes. Le FN/RN est arrivé en tête. « Oh, bah va pas t’rendre malade pour ça…« . Vraiment? Y’a quelques années encore, un tel résultat était qualifié de coup de massue, on parlait de gueule de bois le lendemain, le soir même on descendait dans les rues pour montrer son indignation. Et maintenant quoi, on s’est habitués, résignés. C’est devenu quelque chose de normal et de prévisible. On a baissé les bras, on laisse faire puisque c’est la démocratie. On accepte. Les scores de Le Pen, Orban, Salvini, Farage and Co, c’était à prévoir. On est blasés. L’Europe entière part en sucette, le monde part en sucette, on s’offusque un peu pour avoir bonne conscience, pour la forme, on donne dans le politiquement correct, mais « on va pas s’rendre malade pour ça…« .
Ben merde. J’suis d’une frange de la génération qui « emmerde le Front National » avec les Bérus. Celle qui regrette les « quelques fascisants autour de 15% » avec Noir Désir. Qui devient de dingue de voir que « La flamme se répand […] Le mal se répand » avec Darcy et Kemar, qui flippe en se disant « Putain si ça revient » avec No One Is Innocent, qui trouve que « le rouge vire au bleu marine » avec Tagada Jones, et qui « broie du bleu marine » justement, avec Zero Talent. Je les cite pas tous, sont nombreux, mais à mon goût y’en aura jamais assez pour mettre en garde.
C’est une question d’avoir encore un peu de bon sens, de se montrer humain tout simplement. Ce sont des sujets sur lesquels personne ne devrait se résigner au risque que ça devienne « normal ». J’me pose pas en donneuse de leçons (d’autres le font à ma place), je sais bien que mon indignation seule ne fera pas changer les choses, mais je me refuse à accepter certaines situations, à baisser les bras. Je blâme pas ceux qui ont lâché l’affaire, mais je blâme ceux qui n’acceptent pas que ce ne soit pas mon cas. Si le fait que je prenne les choses trop à cœur dérange, j’en suis navrée. Mais y’a des choses qui moi me dérangent davantage, quand bien même « j’me rends malade pour ça…« .